
Avant même de chercher à comprendre ce qui influence notre Bien-être mental, il me semble utile de définir ce qui le caractérise.
Ceci est d’autant plus important que l’on ne n’est pas toujours conscient que notre bien-être mental se trouve affecté.
Voici des signes de bien-être mental qui ne trompent pas :
- Joie de vivre
- Plaisir à ce que l'on fait au quotidien
- Enthousiasme et réalisation de projets concrets
- Optimisme (voir le verre à moitié plein)
- Sommeil de qualité
- Plaisir aux liens sociaux
- Esprit vif, réflexion fluide, capacité de concentration, mémoire
- Appétit équilibré : ni trop peu, ni trop
Que l’on soit bien d’accord, on ne coche pas forcément toutes les cases tous les jours !
Pour autant, s’il y a trop de cases qu’on ne coche pas depuis un certain temps c’est que le moral est suffisamment en baisse pour que l’on s’en préoccupe.
Que faire dans ce cas ?
Si la baisse de moral est due à une cause externe que l’on connait : perte de son travail, divorce, deuil, harcèlement au travail… il sera judicieux de consulter un psychothérapeute ou tout simplement son médecin traitant.
Dans le cas contraire il va falloir s’interroger sur d’éventuelles causes physiologiques c’est-à-dire des causes dues à des déséquilibres de l’organisme.
La piste "axe intestins – cerveau" pourrait alors se révéler prometteuse.
L’axe intestins – cerveau : qu’est-ce que c’est et comment ça marche?
Depuis plusieurs années, de très nombreuses études scientifiques ont mis en évidence l’existence d’un lien étonnant entre notre intestin et notre cerveau.
L’existence de ce lien appelé “axe intestin cerveau” se manifeste sous forme d’une connexion qui permet la communication des cellules nerveuses entre elles. Il faut savoir que notre intestin contient autant de cellules nerveuses que notre cerveau. C’est d'ailleurs pour cette raison que l’on entend souvent dire que notre intestin constitue notre deuxième cerveau.
Comment ça marche ?
Lors de cette communication, des substances chimiques sont diffusées sur les terminaisons nerveuses du côlon. Ces dernières transmettent ensuite les informations au cerveau par déplacement de molécules en utilisant comme voie d’accès telle une ligne téléphonique le nerf vague (qui part du crâne et dessert les poumons, le cœur et le système digestif).
Ainsi différents signaux sont transmis de l'intestin au cerveau et vice versa.
Contrairement à ce qui fut longtemps supposé il ne s’agit donc pas d’une communication directe entre les cellules nerveuses : elles ne se touchent pas pour communiquer.
Même s'ils sont intensivement étudiés, les mécanismes de ce processus restent encore à explorer scientifiquement car ils sont très complexes.
Par contre, il est désormais acquit que le microbiote intestinal joue un rôle essentiel dans la réussite de cette communication.
En effet, une étude conjointe entre l’Institut Pasteur, le CNRS et l’Inserm révèle que les déséquilibres dans la composition du microbiote (les millions de bactéries qui peuplent notre intestin) pourraient jouer un rôle déterminant dans l’apparition des troubles dépressifs.
Une expérience intéressante ayant été réalisée (source :Nature
Communications 11 December 2020 DOI: 10.1038/s41467-020-19931-2), met les faits suivant en lumière:
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Lorsque les scientifiques modifient le microbiote intestinal d’un animal en le soumettant à un stress chronique, l’animal développe un
état dépressif.
- Lorsque les scientifiques transfèrent un microbiote d'animaux présentant des troubles de l'humeur à un animal sain, ce dernier se met à développer un comportement dépressif.
Personnellement je trouve cela tout à fait fascinant de constater que de minuscules bactéries, invisibles à l’œil nu puissent avoir un impact aussi fort sur un état que nous pensons souvent être lié exclusivement à notre psychisme!
On en vient à se demander ce que les bactéries influent d’autre dans notre organisme.
Quel est le rapport entre les neurotransmetteurs et le microbiote intestinal?
Qu'est-ce qu'un neurotransmetteur?
Il s’agit d’une substance chimique qui permet de transmettre une information d’une cellule nerveuse qui se trouve dans le cerveau à une autre située dans un autre organe. Par exemple le cerveau peut ordonner au cœur d’augmenter sa fréquence cardiaque lorsque vous vous mettez à courir.
Il existe deux catégories de neurotransmetteurs : les excitateurs qui déclenchent un influx nerveux et les inhibiteurs qui les freinent lorsque l’action n’a plus lieu d’être.
Voici quelques exemples de neurotransmetteurs dont vous avez certainement entendu parler qui jouent un rôle crucial pour notre bien-être mental :
- Sérotonine : « Hormone du Bien-être », régule le sommeil, l’appétit et la douleur.
- Dopamine : liée à la motivation et au plaisir : c’est grâce à elle que nous avons envie de faire des choses.
- GABA (acide gamma-amino-butyrique) : il est essentiel pour calmer le système nerveux, réduire l'anxiété et favoriser un sommeil réparateur.
C’est sur la production de ces neurotransmetteurs que repose en grande partie le lien entre notre intestin et notre cerveau.
Quel est le rôle du microbiote intestinal?
Surtout connu pour son rôle crucial dans le fonctionnement du système immunitaire, il n’en est pas moins important pour la production de neurotransmetteurs spécifiques tels que la sérotonine, la dopamine et le GABA.
Rendez-vous compte que 90 % de la sérotonine est produite dans l’intestin en grande partie par des bactéries lorsqu’elles digèrent les fibres alimentaires.
Cela signifie donc que le cerveau n’en produit que 10% environ!
Soit dit en passant ce sont également les bactéries intestinales et non pas nos cellules qui fabriquent la vitamine K qui est indispensable à la coagulation du sang.
Mais attention, pour que la production se fasse de manière efficace il est indispensable que le microbiote intestinal soit équilibré.
Que se passe-il si cela n’est pas le cas ?
Quand le microbiote provoque l’inflammation cérébrale
En temps normal, le microbiote intestinal est composé d’environ 100 000 milliard de bactéries ce qui représente un poids d’environ 1,5 kg.
Les « bonnes bactéries », dites « saprophytes » contribuent à maintenir un environnement sain, propice au bon déroulement de dizaines de processus biochimiques essentiels à l’équilibre de nombreuses fonctions métaboliques dans l’organisme (appelé également homéostasie).
Mais lorsque les bactéries nuisibles, ou flore pathogène, prennent le dessus, l’équilibre est rompu et le microbiote intestinal bascule en état de dysbiose intestinale. Les bactéries nuisibles alors majoritaires deviennent dangereuses car elles libérèrent des substances inflammatoires, comme les cytokines qui peuvent provoquer une inflammation généralisée dans le corps, y compris dans le cerveau.
En effet ces molécules pro-inflammatoires peuvent passer à travers la barrière qui protège le cerveau, appelée barrière hématoencéphalique. Une fois dans le cerveau, elles favorisent l’inflammation des tissus cérébraux ce qui a pour effet entre autre d’empêcher le bon fonctionnement des neurotransmetteurs.
On comprend ainsi mieux pourquoi il est crucial de se soucier de la bonne santé de son microbiote intestinal !
Les conséquences d’une alimentation inadaptée sur le microbiote intestinal
Une alimentation riche en sucres raffinés, en aliments industriels ultra-transformés, et en graisses saturées bref ce qu'on appelle familièrement la "malbouffe", nourrit exclusivement les bactéries nuisibles dans l'intestin, ce qui comme précédemment évoqué favorise la production de substances inflammatoires.
Les bonnes bactéries, qui elles, ne reçoivent aucune nourriture adaptée à leur développement meurent ainsi petit à petit. La diversité des souches de bonnes bactéries s’amenuise et la flore nuisible prend le dessus et colonisent l’intestin afin de combler le vide, car c’est bien connu la nature a horreur du vide !
Ce faisant un autre désagrément, et pas des moindres se produit : le phénomène de la porosité intestinale qui concerne la muqueuse de l’intestin grêle.
Cette dernière fonctionne telle une barrière afin d’empêcher des substances dangereuses (toxines, métaux lourds, substances chimiques, germes pathogènes…) de pénétrer et d’entrer dans la circulation sanguine. Or, lorsque le microbiote intestinal est déséquilibré la muqueuse intestinale se dégrade peu à peu jusqu’à devenir poreuse, on parle alors de perméabilité intestinale.
Lorsque les substances nocives entrainées dans la circulation sanguine réussissent à atteindre le cerveau elles peuvent y provoquer de l’inflammation exacerbant les troubles de l’humeur, l’anxiété, voir la dépression.
Dysbiose intestinale et perméabilité intestinale ont un facteur aggravant commun : le stress.
L’impact du stress chronique sur le microbiote intestinal
Le stress chronique a pour effet de faire augmenter le niveau d’une hormone bien connue : le cortisol. Ce phénomène normal et souhaité se produit lorsque l’on se trouve dans une situation face à laquelle l'organisme a besoin de réagir rapidement et automatiquement, par exemple lorsqu’il nous faut combattre ou prendre la fuite brusquement.
Une fois cette situation surpassée, le niveau de cortisol redescend car l’organisme n’en n’a plus besoin.
Lors d’un stress prolongé, le niveau de cortisol ne redescend pas, ce qui peut avoir des conséquences multiples et désastreuses pour l’organisme. Concernant le microbiote intestinal ce que l’on peut dire c’est que le cortisol favorise la dysbiose intestinale et que cette dernière amplifie le stress notamment par défaut de fabrication du neurotransmetteur GABA.
C’est donc un cercle vicieux qui se met en place.
Comment l’alimentation peut-elle briser le cercle vicieux?
- Les fibres et les prébiotiques
Une alimentation riche en fibres et en prébiotiques est essentielle pour maintenir un microbiote sain.
Les fibres alimentaires, que l’on trouve dans des aliments comme les fruits, légumes, grains entiers et légumineuses, sont un carburant indispensable pour les bonnes bactéries de l'intestin.
En fermentant les fibres elles vont produire des acides gras à chaîne courte (AGCC).
Les AGCC sont importants car ils ont des propriétés anti-inflammatoires qui protègent entre autre la muqueuse intestinale.
Les fibres comme les prébiotiques favorisent la croissance des bactéries bénéfiques, ce qui leur confère un rôle protecteur en maintenant un environnement intestinal sain.
Voici quelques exemples d’aliments riches en prébiotiques : topinambour, ail, oignon, poireau, asperge, bananes, pomme, artichaut, chicorée, graines de lin, lentilles, pois chiches…
En augmentant sa consommation d’aliments riches en fibres et en prébiotiques, on favorise un environnement propice au développement des bonnes bactéries, qui elles même renforcent la production de neurotransmetteurs indispensables à la santé mentale.
- Les Probiotiques
Ce sont des micro-organismes vivants, présents dans certains aliments fermentés.
Quand ils ne sont pas apportés de l’extérieur les bonnes bactéries du microbiote intestinal peuvent mourir ce qui appauvrit à la longue leur diversité et conduit donc à une dysbiose.
Une plus grande diversité microbienne est synonyme de meilleure résistance face aux perturbations externes, ce qui se traduit par une meilleure capacité du corps à gérer le stress et l'inflammation et par conséquent les troubles de l’humeur.
Il convient de garder en mémoire que l’intestin est à l’image de la biodiversité environnementale, plus celle-ci est pauvre plus les maladies et les parasites s’y installent! (vous vous souvenez : la nature a horreur du vide)
Voici quelques exemples d’aliments riches en probiotiques : Kéfir de fruit, yaourt de brebis, choucroute, kimchi, miso, tempeh, kombucha, pickles, vinaigre de cidre, pain au levain, olives en saumure, kvass, jus de légumes fermentés.
Que peut-on faire pour maintenir un microbiote sain et favoriser un bien-être mental durable?
- Méditation et yoga : apaiser l'esprit et l'intestin.
La méditation et le yoga ont fait leurs preuves dans la gestion du stress et l’équilibre émotionnel. Leur effet sur le microbiote est indirect mais puissant : en calmant le système nerveux, elles réduisent la production de cortisol.
Par ailleurs, la relaxation profonde favorise la circulation sanguine et l'oxygénation des organes, y compris l'intestin, ce qui soutient un environnement propice au développement des bactéries bénéfiques.
- Activité physique régulière
L’exercice physique, à intensité modérée, est non seulement bénéfique pour la santé cardiaque et musculaire, mais joue également un rôle essentiel dans le maintien de l'équilibre du microbiote. Il a été prouvé que les personnes qui pratiquent une activité physique régulière ont une plus grande diversité bactérienne dans leur intestin!
De plus, l’activité physique stimule la motilité intestinale, ce qui aide à prévenir la constipation et à maintenir une flore intestinale équilibrée.
Conclusion
Chouchouter son microbiote, c’est améliorer sa digestion, mais également entretenir son bien-être mental.
Il va sans dire qu’en cas de troubles dépressifs le recours à une consultation médicale est obligatoire.
Pour autant, rien n’empêchera de prendre soin de son microbiote intestinal par le biais de ses choix alimentaires et de son hygiène de vie.
Sources : "Les cahiers de la santé naturelle n°99", "Vive les microbes" Marie-Monique Robin".
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